Pour les élèves comme pour l’enseignant, l’évaluation est un temps important. C’est le moment de faire le point, de connaître la valeur de son travail.
Qu’elle intervienne en début d’heure pour identifier les besoins (évaluation diagnostique), en cours d’étude pour se former (évaluation formative) ou à la fin pour faire le constat du chemin parcouru (évaluation sommative et/ou certificative), l’évaluation reste un temps fort de tout processus d’apprentissage. Et pourtant, que de débats et de questions autour de ce temps pédagogique ! Notes ou pas notes ? Corrections immédiates ou différées ? Possibilités de refaire ou pas ?
De l’autre côté du stylo rouge, il en va de même pour l’enseignant. Rares sont ceux qui s’enthousiasment à l’idée de corriger les copies...
Le numérique apparait alors comme un atout : correction plus rapide pour l’élève comme pour l’enseignant, accès commun à tous, facilité d’introduire des adaptations pour chacun... Mais avec l’évaluation par le numérique ne risque-t-on pas de détourner celle-ci de ses enjeux, de revoir à la baisse les attentes en convertissant une tâche complexe d’écriture en un simple QCM, d’introduire une distance entre l’enseignant et son élève ? Il convient de faire le point.
Cet article vise modestement à faire un état des lieux des plus-values qu’offre la e-éducation pour penser ces évaluations, sachant que c’est un champ du numérique pédagogique en pleine réflexion.
Capture de la fenêtre surgissante quand on ajoute une activité et que l’on choisit l’activité Test : les différentes questions disponibles.
De nombreux outils laissent à penser qu’évaluer avec le numérique suppose de se contenter d’exercices simples, peu élaborés. QCM, appariement, jeu du millionnaire, disponibles sur la plateforme Éléa, sont en effet adaptés à une évaluation rapide pour réactiver des savoirs, vérifier la compréhension d’une ressource ou encore favoriser la mémorisation.
Mais, on peut aller plus loin et proposer la mise en œuvre de processus et de méthodes : questions calculées, placement sur image, production d’un oral. Dès lors, l’élève est invité à comprendre et analyser des situations pour mettre en œuvre ce qu’il a appris.
Enfin, les devoirs, compositions ou plus encore la scénarisation d’un parcours permettent de confronter les élèves à des tâches complexes au sein desquelles il va devoir remobiliser de façon autonome connaissances et compétences pour résoudre un problème. Bien sûr, dans le cas d’une production, l’enseignant ne pourra pas automatiser la correction, il garde contact avec la production de l’élève. Ce qui est plutôt rassurant car il ne s’agit pas de prétendre que le numérique puisse remplacer l’expertise professionnelle.
Globalement, l’évaluation avec le numérique diffère peu de l’évaluation papier dès lors que l’enseignant maîtrise les caractéristiques des types de questions en lien avec les processus cognitifs qu’ils cherchent à activer. Cela relève d’une ingénierie pédagogique qui s’acquiert par la pratique.
Capture du parcours Les enquêtes de l’inspecteur Matt Cyance : la géométrie dans le plan" : titre, bouton d’accès et carte de progression.
Parcours math-sciences, "Les enquêtes de l’inspecteur Matt Cyance : la géométrie dans le plan", Mirana Ballans, 2nd Bac Pro
Sur le tableau de bord d’Eléa, il est possible de cacher ou donner à voir un parcours immédiatement en cliquant sur l’œil à gauche du titre du parcours.
Organiser une évaluation sur ordinateur peut déstabiliser enseignants comme élèves, habitués au rituel des contrôles. Il est tout à fait possible de donner accès au sujet au même moment à tous les élèves. Les traces conservées par le numérique permettent de jauger la façon dont l’élève organise son travail. L’enseignant voit en temps réel s’afficher sur l’écran les activités.
Du côté des élèves, on observe fréquemment une volonté farouche d’obtenir la totalité des points quitte à faire et refaire. Sur support numérique, le droit à l’erreur est rétabli de façon presque spontanée . On peut se tromper en toute discrétion et apprendre de ses erreurs immédiatement. L’erreur devient un temps d’apprentissage comme un autre et non source de stress.
Est-ce à dire que les élèves prennent l’ensemble moins au sérieux ? Dans l’ensemble des observations réalisées en classe, il apparait que le numérique entraîne un regain d’intérêt de la part des élèves. D’abord lorsque c’est une nouveauté, ensuite parce que nombreux sont les élèves qui se laissent entraîner par l’idée de défi : obtenir le meilleur score par exemple. Enfin, parce que cela suppose pour l’enseignant de penser autrement ses consignes et ses exercices et contribue à regarder autrement la façon dont on rédige ses consignes, dont on choisit une activité.
- en facilitant l’adaptation des contenus
Par exemple, les élèves atteints de dyslexie peuvent s’appuyer sur des logiciels adaptés pour faciliter leur compréhension des textes (dictée vocale, dictionnaire intuitif, aide à la rédaction, etc.).
On peut proposer aux élèves à Haut Potentiel des exercices différents, de façon à mobiliser leur capacité à raisonner « out of the box ».
Les élèves allophones peuvent avoir facilement recours à un outil de traduction afin de réaliser les mêmes tâches que les autres, sans se heurter à la compréhension des consignes ;
- en permettant l’adaptation du temps alloué pour réaliser l’évaluation.
De par essence, le numérique permet de contourner de nombreux obstacles. Prévoir une évaluation avec le numérique permet de créer une ressource unique, adaptable aux besoins de chacun, pour qu’au cœur de l’activité de l’élève demeure le contenu pédagogique. Soit la ressource laisse l’élève libre d’avancer à son rythme ; soit elle réagit à ses réponses, comme les leçons, pour lui donner à faire exactement ce dont il a besoin pour consolider son savoir ; soit la situation de classe permet à l’enseignant de trouver le temps d’être à côté de l’élève pour reformuler les consignes. La e-éducation permet une équité dans l’accès aux exercices demandés, contribuant ainsi à réduire les inégalités scolaires au sein d’un groupe classe.
Capture de la fenêtre surgissante "Ajouter une activité ou une ressource", choix du Feedback ; capture du rendu élève avec un questionnaire dont le titre est "Comment te sens-tu dans la classe ?".
Activité Feedback de la plateforme Éléa qui permet de proposer aux élèves un test sans note pour favoriser une réflexion sur le travail personnel (ici, un exercice en vue de préparer un conseil de classe).
Il en va de même pour l’évaluation entre pairs d’un document déposé dans un wiki ou une base de données ou encore de l’activité atelier qui repose sur l’idée que chaque groupe devra évaluer le travail d’un autre. Le numérique simplifie cette gestion. L’ensemble des devoirs est regroupé dans un même espace, facilement accessible à tous. Plus encore, la culture du numérique invite à la collaboration en tout lieu et tout moment. Ce travail d’évaluation entre pairs présente une plus-value que le socio-constructivisme à largement démontrer .
Capture de la fenêtre surgissante "Ajouter une activité ou une ressource", choix de l’Atelier ; capture du rendu visible sur le parcours au format tableau.
Présentation de l’activité Atelier disponible sur la plateforme Éléa qui permet de rythmer le temps du cours et de proposer un temps d’inter évaluation.
Photomontage montrant des élèves en train de créer des parcours Éléa sur des tablettes.
Sanah Mnaouare, "Le concours Éléa, et si on donnait la manette aux élèves ?
Capture de la vidéo-tutoriel : Ajouter un badge.
Tutoriel pour mettre en place des badges dans un parcours de e-éducation sur la plateforme Éléa.
Mais il est possible d’aller plus loin, car le numérique garde trace. Ainsi, au Lycée Jeanne d’Albret de St Germain en laye, plusieurs enseignants de différentes disciplines ont construit des questionnaires pour permettre aux élèves de réactiver régulièrement leurs savoirs. Basée sur les conclusions issues des neurosciences, cette expérimentation est permise par le caractère intrinsèquement collaboratif de la plateforme. Ces tests disponibles toute l’année permettent aux élèves de réactiver régulièrement leurs connaissances, en toute liberté.
Logo de e-FUN : un casque avec entre les écouteurs un personnage.
Les caractéristiques de l’évaluation avec le numérique évoquées ici ne sont pas exhaustives. La e-éducation, moyennant une scénarisation fine et un temps de définition des objectifs, offre une pluralité de possibles.
Introduire le numérique dans les évaluations permet de penser autrement ce temps essentiel dans tous les parcours d’apprentissages. Pourtant, ces usages ne constituent qu’une première strate.
Le développement depuis peu des démarches de Learning Analytics, c’est-à-dire la possibilité d’observer le comportement de celui qui apprend, ouvre un champ plus large. Les données de suivi recueillies permettent à terme d’analyser les processus d’apprentissage et de susciter des rétroactions automatiques, réalisées par l’enseignant, afin d’adapter le parcours de l’élève. Centrer sur le « apprendre à apprendre » ouvre un nouveau champ pour accompagner les élèves en s’appuyant sur leurs erreurs comme sur leurs réussites,
Titre : Données recueillies et Learning Analytics, Pour quoi faire ? Une bulle orange sur la gauche : Données recueillies (questions : quel est le sujet qui a le plus intéressé les élèves ? Quelles activités ont obtenu le meilleur taux de réussite ? Que peut-on améliorer dans le parcours ? etc.) Une bulle bleue sur la droite : Learning Analytics (Quand les élèves sont-ils prêts à démarrer un nouveau sujet ? Quand est-ce qu’un élève risque de ne pas terminer un parcours ? Comment l’y aider ? etc.)
Pour aller plus loin :
– Bellec Dominique et Charier Bertrand,(2018) "Évaluer avec le numérique de la théorie à la pratique", Dane de Poitiers.
– Devauchelle Bruno (2015) "Évaluer à l’ère du numérique", Le Café pédagogique.
– De Vecchi Gérard (2011),Évaluer sans dévaluer, Hachette éducation.