L’e-sport, un monde multiforme
Un phénomène en plein essor
Le terme e-sport (ou esport) [1] est la contraction des mots "electronic" et "sport"). Il s’est imposé récemment au début des années 2000.
L’e-sport, c’est d’abord pratiquer ou suivre (voire supporter) les jeux vidéo de manière compétitive (avec des aspects coopératifs et de stratégie).
Mais au-delà de cette notion de confrontation, est inhérente également la notion de spectacle. Ainsi, l’e-sport est à la fois un mouvement rassembleur (plusieurs centaines de personnes dans des tournois et des milliers à distance) et un ensemble de disciplines compétitives liées à des jeux vidéo.
Les premières compétitions d’e-sport se sont déroulées dans les années 1970, mais la filière e-sport (ligues, équipes, compétitions plus régulières) s’est davantage structurée à la fin des années 1990 et le phénomène connait un grand engouement depuis le milieu des années 2010.
Retrouvez la chronologie de développement de la filière et du phénomène sur le site de l’association France Esports et le site PédagoJeux.
Infographie intitulée "Chronologie de l’e-sport".
« Pratiquants » et/ou « Consommateurs » de e-sport
L’association France Esports, et la Banque des Territoires, publient chaque année un baromètre qui permet de mesurer et de montrer notamment l’ampleur croissante du phénomène.
Pour l’année 2020, les profils des acteurs du e-sport sont variés, avec une mixité importante, notamment pour le grand public (pas de classement, pas de compétition).
Les e-sportifs sont définis par leur pratique. On distingue :
- les pratiquants répartis selon quatre niveaux selon le classement et l’entrée ou non en compétition
- le joueur Grand public (pas de classement, pas de compétition) ;
- l’e-sportif de loisir (classement, pas de compétition, plus de 5h de jeu par semaine pour 1/3 d’entre-eux) ;
- l’e-sportif amateur (classement, compétition, rémunération possible sous forme de lots ou de prix, plus de 5h de jeu hebdomadaire pour 80% d’entre-eux)) ;
- l’e-sportif professionnel (pro-gamer, classement, compétition, rémunération sous forme de prix en argent ou salaire).
Infographie intitulée "Qui sont les joueurs de l’e-sport ?". Trois catégories de joueurs sont détaillées (nombre, âge, type de jeu, avec ou sans classement, âge, CSP, région).
- les consommateurs : ce sont des spectateurs qui peuvent être également ou non des pratiquants. On les distingue selon la durée consacrée au suivi des événements en présentiel et/ou en streaming (diffusion en ligne en direct)
- consommateur occasionnel (moins d’une fois par semaine) ;
- consommateur régulier (entre une fois par semaine et une fois par mois) ;
- consommateur assidu (au moins une fois par semaine).
Infographie intitulée "Quelle fréquence de consommation ?". Sur les 6,5 millions de joueurs, on décompte 3,9 millions de consommateurs occasionnels (moins d’une fois par mois), 1,1 millions de consommateurs réguliers (entre une fois par semaine et une fois par mois), 1,5 millions de consommateurs assidus (au moins une fois par semaine.
Une large palette de jeux
Les types de jeux sont multiples et offrent de nombreuses possibilités pour les joueurs comme l’indique l’infographie de Nicolas Besombes de France Esports.
Les jeux pratiqués varient selon le profil du joueur.
Carte mentale organisant les différents jeux en catégories : jeux de courses automobiles, jeux de sport, jeux de combat, jeux de tir, jeux en arènes de combat, jeux de stratégie en temps réel, jeux de rôle, jeux de cartes, jeux de réflexion.
Infographie intitulée "A quoi jouent-ils ?". Trois catégories sont représentées : joueur grand public, e-sportif loisir, e-sportif amateur. Pour chaque catégorie, des statistiques présentent les genres de jeux préférés, et le temps consacré la dernière semaine à un jeu vidéo d’affrontement.
L’e-sport : quels intérêts pour l’École ?
Un réservoir de compétences
Un certain nombre de jeux vidéo permettent de développer ou renforcer des compétences transversales :
- des compétences comportementales : Ils sont à même de développer des compétences comportementales, notamment dans les relations avec les autres joueurs. Les jeunes apprennent ainsi des valeurs essentielles du "vivre ensemble" (respecter l’autre, l’écouter, jouer ensemble).
- des compétences cognitives : Certains jeux exigent de la coordination, individuelle et/ou collective, de la dextérité, le développement d’une réflexion stratégique et de logique et représentent un point d’appui du développement de compétences cognitives. C’est le cas par exemple de jeux de carte (Hearthstone), de jeux d’affrontement de stratégie en temps réel (Starcraft) ou de jeux de simulation de sport (Fifa ou Virtual Regatta).
- des compétences numériques : Les jeux se déroulant sur des plateformes en ligne requièrent la connaissance de l’environnement numérique.
- des compétences orales : Lors des tournois en ligne ou en présentiel, des commentateurs décrivent les parties et d’autres animent les événements. Ce sont des rôles mettant en œuvre des compétences langagières.
- une inscription dans les compétences du 21e siècle : En favorisant la coopération et la communication, mais aussi en permettant le développement de la pensée logique, et parfois même la possibilité d’inventer, de créer tout un monde, certains jeux s’inscrivent dans les compétences du 21e siècle.
Un levier pour l’inclusion et la persévérance scolaire
Pratiquer l’e-sport dans un environnement scolaire ou péri-scolaire, c’est donner l’occasion aux élèves de sortir de l’isolement de leur chambre dans leur pratique des jeux vidéo pour s’inscrire dans une démarche de partage, d’échange et de communication. C’est leur donner la possibilité, de se retrouver dans un même lieu et de se confronter ensemble, en communauté dans un cadre compétitif ou "semi-compétitif". Ainsi, le e-sport peut constituer une voie pour "raccrocher" des élèves démotivés et en rupture avec l’école et représenter une piste pour des actions d’inclusion et de persévérance scolaire.
La pratique e-sportive sur le temps scolaire est encore peu développée. Quelles soient organisées dans l’enceinte d’un établissement scolaire ou dans un lieu mis à disposition par la commune en lien avec des associations, les pratiques e-sportives sur le temps périscolaire, peuvent recouvrir différentes formes :
- Des ateliers réguliers et encadrés : Alternant des moments de jeux, des moments de rencontres et discussions, ces ateliers sont le lieu privilégié pour identifier les habitudes des jeunes et ainsi les amener à réfléchir sur leur pratique.
Ils sont également propices à aborder des notions de santé (bien dormir, manger de manière équilibrée), mais aussi des enjeux d’Éducation aux Médias et à l’Information en évoquant des points de vigilance concernant les plateformes de diffusion en comme Twitch, les salons Discord ou encore les réseaux sociaux.
Enfin, ils permettent d’élargir l’horizon des jeunes en leur faisant découvrir d’autres types de jeux que ceux qu’ils pratiquent habituellement.
- L’organisation d’un challenge : Les élèves s’inscrivent alors dans une démarche de projet et prennent à leur charge l’ensemble des tâches à accomplir : sponsor, logistique, communication, animation…
Ces ateliers réguliers ou ces tournois e-sportifs sont aussi des moments permettant de tisser ou retisser du lien entre l’établissement, les élèves et les parents, notamment en impliquant ces derniers dans le dispositif. Il est possible de leur proposer de participer à des ateliers de jeux en commun pour mieux connaître les jeux vidéo (notamment des jeux permettant la coopération ou la stratégie) et (ré)ouvrir le dialogue ou encore en les invitant à des conférences-débats, notamment sur les jeux vidéo pour déconstruire des idées reçues (par exemple, le psychanalyste Yann Leroux montre comment déconstruire l’idée reçue " d’« addiction aux jeux vidéo »).
Une filière à explorer pour l’orientation
L’arrivée du e-sport dans les salons professionnels du numérique éducatif est un signe de la force du développement de la filière e-sport et de son vaste écosystème :
Autour de l’objet jeu vidéo (dans son aspect matériel avec son éditeur), des joueurs, des fans et l’organisation des tournois gravitent et s’organisent de multiples de professions et bon nombre d’entreprises de toutes tailles aux enjeux aussi variés que le droit, le marketing, la communication, la santé (des joueurs), la logistique, la diffusion, le consulting ou encore la gestion. [2]
Il faut garder à l’esprit que tout le monde ne peut pas devenir un champion, un professionnel de l’e-sport et faire carrière. Mais, l’écosystème du e-sport est si riche qu’il est possible de mener des actions de présentation et de sensibilisation aux différents métiers en classe.
Par ailleurs, cet écosystème constitue en lui-même un sujet d’étude pour des élèves en économie.
Cette infographie représente un organigramme reliant les différents acteurs de l’écosystème e-sport : joueurs, franchises & équipes, jeux vidéo, marques & investisseurs, opérateurs, tournois & ligues, médias, éditeurs, fans.
Carte mentale organisant de nombreux métiers en différentes catégories : animation, éducation, gestion, business, marketing, communication, information & technique, organisation d’évènements, médias & presse, optimisation de la performance.
Des exemples de pratique e-sportive inspirantes
- Un bel exemple de challenge e-sport inclusif a été organisé par un groupe d’élèves du Lycée-EREA Toulouse-Lautrec de Vaucresson (78), réunis dans le cadre d’une association ((E-quals)) agissant dans le temps périscolaire, sous l’impulsion de Hervé Delattre.
« L’E-quals Challenge » est un événement qui offre une expérience inclusive, ludique et conviviale, entre élèves (2019, 2020). Les élèves ont pu suivre des ateliers de découverte de l’écosystème e-sport. Ils ont appris à trouver des sponsors, gérer les impondérables d’une organisation événementielle malgré la pandémie, et créer un événement inclusif, festif et responsable avec des élèves, des parents et des influenceurs. - Une journée de sensibilisation en collège : En 2019, les élèves des collèges Jules Verne et Jean Vilar des Mureaux ainsi que ceux du collège Les Champs Philippe de la Garenne Colombes ont participé à des ateliers autour des jeux vidéo : conception, expérience de jeu et communication étaient au programme.
Cette journée, organisée par le département des Yvelines, Seine et Yvelines numérique et Republic of Gamer des Mureaux (ROG), a permis aux jeunes de rencontrer des streamers professionnels : Trixy et Napo.
Une stratégie nationale de développement de la filière e-sport
L’État a formalisé une feuille de route, support d’une stratégie nationale, interministérielle, de développement du secteur de l’e-sport visant à élever la France au rang de leader européen du secteur e-sport d’ici 2025. Elle s’articule autour de 4 axes stratégiques :
- Promouvoir le développement d’une pratique e-sportive responsable et socialement valorisée ;
- Accompagner la création d’une filière de formation, avec une attention particulière portée aux joueurs de haut-niveau ;
- Mettre en place une politique de soutien au développement des acteurs français de l’e-sport ;
- Valoriser l’attractivité de la France, de ses territoires et de son écosystème e-sport.
Les opérateurs d’investissement comme la banque des Territoires [3] et les collectivités territoriales sont parties prenantes.
+ de 28 millions de chiffre d’affaire en 2018, + de 30 équipes professionnelles, + de 800 associations e-sportives, + de 2 millions de pratiquants 2018.
Au sein de cette stratégie interministérielle, l’Éducation nationale a donc bien sa place pour développer l’e-sport.
Au niveau international, l’e-sport se fraie un chemin dans le domaine scolaire. Ainsi, lors du salon du numérique éducatif BETT en janvier 2020 à Londres, pour la première fois, des industriels présentaient des stands autour du e-sport. Or, le BETT est souvent précurseur des nouveaux usages ou de nouveaux outils proposés par les industriels du numérique.
Des joueurs sont devant leur ordinateur, un écran projette le jeu (course automobile).
Stand sur le salon BETT
Des élèves en pleine séance d’e-sport.
Ce dossier a été réalisé à partir d’entretiens et d’échanges avec un collectif impliqué depuis de longues années dans l’e-sport : Nicolas Besombes (vice-président France Esports), Hervé Delattre (EREA Vaucresson, e-quals), Gaëlle Houssein, Rémy Chanson (Armateam), Yann Leroux (psychanalyste spécialiste des jeux vidéo). Nous les remercions pour leurs explications et leur soutien aux projets dans les milieux scolaires et périscolaires.
Pour aller plus loin
Vous pouvez vous appuyer sur les sites suivants :
- L’association France Esports
- PédagoJeux
- L’observatoire des Mondes Numériques et Sciences humaines
- Ministère de l’économie, stratégie esport
- L’Agence française pour le jeu vidéo (AFJV)
- L’association E-quals
- Articles de Nicolas Besombes (anglais) sur Medium
- Rapport Cnesco, octobre 2020, Nathalie MONS, André TRICOT, Jean-François CHESNÉ, Hugo BOTTON