Cet article vous propose de faire un tour d’horizon de quelques leviers identifiés par les chercheurs et appliqués dans le cadre de parcours de e-éducation pour renforcer l’engagement des élèves dans les apprentissages, en amont de la classe.
Dans quelles mesures le numérique incite plus que jamais à anticiper la rencontre entre élèves et professeurs ?
Cela peut passer par un réaménagement de la classe :
- adopter une installation mobile permettant de passer de phases individuelles à des phases en groupes ;
- proposer des pôles dédiés à des compétences et outillés en conséquence avec des tablettes, un TNI ;
- réaliser un projet nécessitant un tiers lieu et du matériel précis qui permet de donner un autre enjeu à l’apprentissage tel que la réalisation d’une émission de radio.
Enfin, il s’agit d’être attentif au guidage. Sur support numérique, l’enseignant doit à la fois expliciter les attendus, penser l’ergonomie de la page pour ne pas risquer la surcharge cognitive, anticiper des temps de remédiation en direct pour accompagner au mieux les élèves.
Pour se faire une idée :
Capture de la carte de progression du Parcours "L’énigme de la pyramide".
Fabien Taillandier, Le sens d’un mot, Cycle 2 et 3, Français.
Dans ce parcours, les activités peuvent être réalisées de façon autonome et permettre de laisser certains élèves avancer à leur rythme en demandant de l’aide quand le besoin s’en fait sentir par le biais d’un tutorat ou au cours d’un petit atelier organisé par l’enseignant. Cette modalité facilite l’adaptation des élèves aux apprentissages en différenciant et optimisant les réponses face aux demandes éventuelles.
Pour aller plus loin :
Il est important, avant de débuter la découverte d’une notion, de faire émerger les représentations initiales des élèves. Cela permet de mesurer l’écart entre ce qu’ils savent et ce qu’ils doivent apprendre. C’est l’occasion aussi de démarrer par une expérience commune à la classe qui forge le groupe et sert de référence ensuite. « Souvenez-vous lorsque nous avons fait... ».
Pour se faire une idée :
Capture du Parcours "Les ceintures des verbes irréguliers" montrant un badge "ceinture blanche" remis au bout de la 1ère étape.
Élisa Gy, Les ceintures des verbes irréguliers, Cycle 3 et 4, Anglais.
Ce parcours peut répondre à plusieurs modalités, tant pour anticiper, compléter le cours ou remédier. Il présente l’avantage de créer tout au long de l’année une ressource de référence en appui du rythme de la progression de l’élève. Ce faisant, il l’invite à s’engager dans la tâche et lui permet de construire une expérience sur laquelle il est ensuite possible de s’appuyer cours après cours. Plusieurs parcours de cet ordre peuvent servir à créer un corpus de ressources communes à une discipline et faciliter la progression des élèves au fur et à mesure des cycles.
Pour aller plus loin :
- Dehaene S.,(2012) L’engagement actif, Extrait de la conférence au Collège de France "Les grands principes de l’apprentissage" par Stanislas Dehaene ;
- Borst G (2018), Sciences cognitives et numérique, Les Jeudis de la recherche, 4 octobre 2018 ;
- Mémoriser avec une plateforme de e-éducation.
L’étape ultime est atteinte lorsque, face à un problème, l’élève mobilise de lui-même un savoir antérieurement appris pour le résoudre. Il convient d’anticiper l’objectif cognitif pour proposer à l’élève l’activité qui répond à ses besoins. Il faut donc anticiper les besoins pour anticiper les gestes du professeur.
Cela suppose, outre une maîtrise de la didactique des disciplines et de la pédagogie, une bonne connaissance des outils à disposition. En effet, aujourd’hui le numérique offre la possibilité de créer des situations d’apprentissages inédites, telles que faire réaliser à ses élèves des tutoriels.
Pour se faire une idée :
Capture du Parcours "Apprendre à lire une carte IGN grâce à une image interactive !" avec le titre, la consigne et l’image interactive.
Elsa Alves Dias, Réaliser un croquis d’étalement urbain avec Edugéo, 1ère, Géographie.
Dans ce parcours, chaque activité a été choisie en fonction de la compétence identifiée comme la plus pertinente pour que l’élève s’approprie à la fois connaissances et méthodes. Ainsi, après un travail préparatoire de lecture d’une carte IGN qui passe par un test de compréhension, l’élève est incité à produire lui-même un croquis. Des phases individuelles et collectives sont alternées. L’élève peut à tout moment faire appel à l’enseignant ou à ses camarades pour avancer dans le parcours.
Pour aller plus loin :
- Tricot A. (2015), Les quatre phases de l’apprentissage, Conférence réalisé à l’Institut Français de l’éducation de Lyon le 4 juin 2015 ;
- Positionner ses pratiques avec la spirale de la e-éducation ;
Pour ce faire, on peut ritualiser à la fois le moment et/ou le lieu où est utilisé le numérique : en début d’heure, lorsqu’on a fini, dans un coin de la classe, au CDI (Centre de Documentation et d’Information), à « Devoirs Faits [1] »… Il est important de montrer à l’élève que son travail en autonomie sur un support numérique fait l’objet d’un suivi.
On peut aussi créer des univers de référence avec par exemple un héros commun à plusieurs parcours que l’élève suivrait à la façon d’une série. On remarque d’ailleurs que les élèves prennent rapidement leurs habitudes sur Éléa [2] et que passé le temps de la première connexion, ils développent des habiletés qui leur permettent de tirer le plein potentiel de l’outil, à condition qu’il apporte un réel intérêt pour comprendre, mémoriser et approfondir le cours.
Pour se faire une idée :
Capture du Parcours " Que la force soit avec vous !" avec introduction, bouton de lancement et carte de progression.
- Mirana Ballans, La force de maître Matt Cyance, CAP/ Seconde Bac pro, Maths-sciences ;
- Mirana Ballans, Les enquêtes de l’inspecteur Matt Cyance : la géométrie dans le plan, CAP/ Seconde Bac pro, Maths-sciences ;
- Mirana Ballans, L’inspecteur Matt Cyance enquête sur les pictogrammes, CAP/ Seconde Bac pro, Maths-sciences.
Outre le fait que ces parcours proposent des intrigues inspirées de faits réels et donnent du sens aux apprentissages, la création d’un personnage de référence au sein des différents parcours contribue à faciliter la prise en main par les élèves qui y retrouvent un univers spécifique au sein duquel ils peuvent se construire des repères : un personnage identifié, une intrigue construite sur un schéma narratif similaire et une cohérence graphique qui favorise l’automatisation de certaines tâches.
Pour aller plus loin :
- Bourgeois E., Le besoin de sécurité chez l’apprenant, Chaîne YouTube du CNAM Pays de Loire - Durée 10 minutes environ.
Engager une classe dans un concours, proposer une intrigue intéressante, valoriser les efforts par des consignes positives sont autant de leviers pour favoriser un engagement positif dans la tâche. Il s’agit donc ici de susciter l’envie de se dépasser en tant qu’élève mais aussi en tant que membre d’un groupe classe, dans un climat de confiance où le droit à l’erreur permet de surmonter les difficultés pour viser plus haut et plus loin.
N’oublions pas aussi que la mémoire s’appuie, entre autres, sur les émotions…
Pour se faire une idée :
Capture du Parcours "Le Mot d’Or" : titre et logo.
Magalie Drouet, Caroline Lefeuvre, Le Mot d’Or, 1ère et Terminale STMG.
Dans ce parcours, les élèves sont invités à préparer le concours du Mot d’Or qui conduit les élèves à développer l’usage du Français comme langue professionnelle des affaires. Alternant une phase de découverte suivie de quatre missions spécifiques, ce concours permet de susciter les ressorts de la motivation.
Pour aller plus loin :
- Fenouillet Fabien, La motivation dans les apprentissages avec le numérique, 21 mars 2019, 17h-19h, Les Jeudis de la Recherche.
De même, il faut veiller, lorsque l’on rédige les consignes à ne pas risquer le sur-étayage tout en étant le plus explicite possible. Cet équilibre délicat à trouver dans un premier temps permet toutefois d’apporter des réponses efficaces à nos élèves.
Plus encore, derrière cette idée d’être disponible, vient se poser la question de la congruence. D’accepter les élèves pour ce qu’ils sont : des enfants, des adolescents, des adultes en devenir et aussi de ne pas chercher à se donner une posture contre nature que les élèves percevraient. Se rendre disponible, c’est, avant la classe, se donner les moyens d’aller à la rencontre des élèves.
Pour se faire une idée :
Capture de l’introduction du Parcours "E.T., le scénario est-il possible ?".
Peggy Plokarz, E.T., le scénario est-il possible ?, Cycle 4, 3e , Physique-Chimie
Appuyé sur un film qui appartient à la culture populaire, ce parcours organisé selon un scénario de classe inversée part des connaissances des élèves, les remobilise pour ensuite les conduire pas à pas vers une appropriation active de nouvelles connaissances. L’attribution de badges permet ainsi à l’élève de mesurer son évolution. L’enseignant est donc plus que jamais disponible pour intervenir auprès des élèves pour les accompagner et les faire avancer à leur rythme vers un objectif commun à la classe.
Pour aller plus loin :
- Marcel Lebrun et Julie Lecoq, Classes inversées : Enseigner et apprendre à l’endroit !, Canopé, 2016
- Institut Français de l’Éducation, Les postures enseignantes, Néopass@ction
Pour conclure
Avec le numérique, préparer l’avant de la classe est plus indispensable que jamais. Mais, il s’agit ici d’investir du temps pour en gagner après. Cette fine scénarisation du cours, prenant le soin de mobiliser différents leviers, permet d’optimiser les apprentissages :
- de choisir les activités les plus efficaces pour atteindre les objectifs d’apprentissages visés ;
- de permettre aux élèves de devenir autonomes dans un environnement conçu par l’enseignant ;
- de s’approprier les connaissances de façon active ;
- de donner plus de place aux interactions entre élèves et enseignants, celles-là même qui semblent aujourd’hui indispensables à un apprentissage efficace.
Le temps investi en amont, est autant de temps gagné pour la suite puisqu’il ne reste ensuite à l’enseignant qu’à améliorer, à la marge, ces ressources pour toujours plus d’efficience auprès des élèves.