La minute SciencesCo

Minute n°4 : Différenciation pédagogique et sciences cognitives

À chaque semaine sa notion

La Minute SciencesCo est un rendez-vous hebdomadaire qui a pour objectif de proposer un moment d’acculturation à différentes thématiques traitées par les sciences cognitives.

Mis à jour le lundi 30 juin 2025

Bonjour et bienvenue dans la Minute SciencesCo. Je suis le professeur Axone et je vais vous accompagner, chaque semaine, dans la découverte de concepts de sciences cognitives. Ensemble nous chercherons à en apprendre plus sur le fonctionnement de notre cerveau, mais surtout de celui de nos élèves.

Pour cette quatrième minute, je vous propose de parler de la différenciation pédagogique basée sur les sciences cognitives, des différents types de charge cognitive, et des pistes de mise en œuvre pédagogique en classe pour aider les élèves à mieux apprendre.

Cette image montre le Professeur Axone tenant une montre à gousset à la main
Vous êtes prêts ? Top chrono !

La différentiation pédagogique en questions

Les 22 et 23 mai 2025, le Printemps de la recherche en éducation 2025 a réuni chercheurs, enseignants, formateurs et décideurs autour de thématiques centrales pour l’avenir de la formation et de l’enseignement. Plusieurs axes forts ont émergé, offrant des pistes concrètes pour les collègues engagés dans les transformations pédagogiques. L’un de ces axes est la différenciation pédagogique fondée sur les sciences cognitives, abordé par André Tricot le 23 mai 2025 dans sa conférence « L’articulation de la recherche, formation, terrain : un point de vue ergonomique ».

Elle désigne une approche d’enseignement qui adapte les contenus, les méthodes et les supports aux besoins des élèves, en s’appuyant sur les connaissances issues des recherches en psychologie cognitive, neurosciences et sciences de l’apprentissage :
  • Différenciation pédagogique : varier les approches pédagogiques pour tenir compte de la diversité des élèves (niveau, rythme, style d’apprentissage, besoins spécifiques…).
  • Fondée sur les sciences cognitives : s’appuyer sur des données probantes issues de la recherche scientifique sur le fonctionnement du cerveau, la mémoire, l’attention, la motivation, l’engagement actif.

Quelques exemples de principes cognitifs qui peuvent guider la différenciation :
  • Charge cognitive : éviter de surcharger la mémoire de travail, surtout chez les débutants (Sweller 1988), en adaptant la complexité des tâches.
  • Espacement et répétition : planifier les révisions dans le temps pour renforcer la mémorisation.
  • Récupération active  : favoriser les activités où l’élève doit retrouver l’information (ex. quiz, auto-évaluation).
  • Multimodalité : utiliser plusieurs canaux sensoriels (visuel, auditif, kinesthésique) pour renforcer l’encodage.
  • Feedback immédiat et spécifique : corriger les erreurs et renforcer les apprentissages.
  • Motivation et engagement : créer un climat propice à l’apprentissage, en tenant compte des besoins d’autonomie, de compétence et de lien social.
  • Attention et engagement : veiller à expliciter les consignes pour tout le monde.

La théorie de la charge cognitive est aujourd’hui un support incontournable de la recherche en éducation permettant de :
  • Identifier les éléments qui entravent l’apprentissage,
  • Équilibrer les charges cognitives intrinsèque (information à traiter pour réaliser la tâche) et extrinsèque (informations inutiles présentes sur les supports), en augmentant la charge cognitive pertinente soit l’apprentissage lui-même (Chanquoy 2007).

L’une des plus grandes découvertes de cette théorie est due à un accident expérimental : « Expertise reversal effect » (Kalyuga 2003). Ainsi, selon André Tricot « les effets obtenus lorsqu’on baisse la charge cognitive avec les élèves les plus en difficulté pour l’apprentissage visé ne sont pas obtenus avec les élèves les plus avancés pour l’apprentissage visé » (Tricot 2025).

Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

Cela décrit un phénomène contre-intuitif : une méthode pédagogique efficace pour les débutants peut devenir inefficace pour les apprenants plus avancés.
De façon plus explicite, dans un contexte de classe, lorsque les élèves apprennent quelque chose de nouveau, ils ont besoin de guidage : des explications détaillées, des exemples pas à pas, des schémas, etc. Cela a pour but de réduire la charge cognitive. Mais plus on devient expert, moins on a besoin de ce guidage. Par conséquent, étant donné que l’apprenant expert a déjà des schémas mentaux efficaces pour traiter l’information, trop d’aide peut devenir une distraction ou ralentir l’apprentissage.

Plusieurs outils RGPD possibles, avec ou sans IA, ou H5P.

Quiz adaptatifs avec feedback immédiat

  • Principe cognitif : récupération active, feedback, espacement
  • Différenciation :
    • Débutants : quiz avec indices visuels et réponses guidées.
    • Avancés : quiz sans aide, avec justification des réponses.

Flashcards numériques espacées

  • Principe cognitif : répétition espacée et récupération active
  • Différenciation :
    • Création de jeux de cartes par niveau de difficulté.
    • Les élèves peuvent choisir leur rythme de révision.

Vidéos interactives avec questions intégrées

  • Principe cognitif : multimodalité, segmentation et attention dirigée
  • Différenciation :
    • Vidéos avec pauses explicatives pour les débutants.
    • Vidéos sans pauses pour les élèves plus autonomes.

Carnets de métacognition numériques

  • Principe cognitif : métacognition et explicitation
  • Activité : après une tâche, les élèves remplissent un journal réflexif "ce que j’ai compris / ce qui m’a aidé / ce que je dois retravailler".
  • Différenciation :
    • Modèles de carnet plus ou moins guidés selon le niveau.
    • Défis complexes ou missions ouvertes pour les avancés.

Cartes mentales collaboratives

  • Principe cognitif : organisation de l’information et collaboration
  • Activité : les élèves créent une carte mentale à partir d’un contenu étudié.
  • Différenciation :
    • Modèle de carte à compléter pour les débutants.
    • Carte à construire librement pour les avancés.

À vous de jouer !

Pour finir, je vous propose un mini défi : que puis-je faire dès demain pour diminuer la charge cognitive de mes élèves ?

Lors de ma prochaine séance, je propose une activité différenciée à deux niveaux : une version guidée avec des explications pas à pas, des exemples, des rappels de notions, et une version experte sans aide avec uniquement l’énoncé du problème.

Références complémentaires

  • Tricot, A. (2025). Intervention au Printemps de la recherche en éducation. L’articulation de la recherche, formation, terrain : un point de vue ergonomique. 23 mai 2025.
  • Chanquoy, L., Tricot, A., Sweller, J. (2007), La charge cognitive. Théorie et applications. Armand Colin.
  • Kalyuga, S., Ayres, P., Chandler, P., & Sweller, J. (2003). The expertise reversal effect. Educational Psychologist, 38(1), 23–31.
  • Sweller, J. (1988). Cognitive load during problem solving : Effects on learning. Cognitive Science, 12(2), 257–285.
  • Tricot, A. (2017). Quels apports de la théorie de la charge cognitive à la différenciation pédagogique ? Quelques pistes concrètes pour adapter des situations d’apprentissage. Conférence de consensus 7 & 8 mars 2017
Cette image montre le Professeur Axone nous saluant
À la semaine prochaine pour une nouvelle minute SciencesCo !

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Article rédigé par Antonella Corvaglia