Safer Internet Day 2025

Le désordre informationnel

À chaque jour sa ressource

Participer à faire d’Internet un endroit sécurisé c’est aussi savoir identifier les informations fiables que l’on va consulter et partager.

Mis à jour le lundi 3 mars 2025

Même avec un bon antivirus, des appareils et applications à jour et des mots de passe robustes, vous pouvez être victime d’un tout autre type de nuisance sur Internet : le désordre informationnel.

Selon Claire Wardle, chercheuse en communication, le désordre informationnel a 3 composantes :

  • Information malveillante : contenus vrais mais sortis de leur contexte ou issu d’une sphère privé avec intention de nuire (revenge porn par exemple)
  • Mésinformation : fausse information qui circule dans les médias sans volonté de nuire (erreur journalistique ou canular)
  • Désinformation : fausse information qui circule dans les médias avec volonté de nuire (fake news, désinformation politique...)
Ce visuel montre 2 cercles qui se croisent. Le premier représente l'information malveillante définie par la caractéristique de nuisible. Le deuxième représente la mésinformation, définie par la caractéristique de faux. L'espace commun au croisement des deux cercles représente la désinformation, à la fois nuisible et fausse.
Infographie des composantes du désordre informationnel

Ce visuel montre 2 cercles qui se croisent. Le premier représente l’information malveillante définie par la caractéristique de nuisible. Le deuxième représente la mésinformation, définie par la caractéristique de faux. L’espace commun au croisement des deux cercles représente la désinformation, à la fois nuisible et fausse.

À ces trois composantes, Divina Frau Meiggs, professeure à La Sorbonne Nouvelle et sociologue des médias, en ajoute une quatrième : la mal information qui serait un environnement favorisant une information pas toujours fausse mais de mauvaise qualité.

Lutter contre le désordre informationnel, chacun à son niveau, c’est aussi participer à rendre Internet plus sûr.

Mais pour y voir plus clair dans tout ce désordre il faut d’abord commencer par définir quelques concepts.

Théorie du complot et récit conspirationniste

Une théorie du complot est l’explication d’un évènement comme étant l’œuvre d’un groupe secret, caché dans l’ombre, dont l’objectif serait de contrôler le monde. On parle de récit complotiste quand plusieurs théories du complot se croisent pour donner une vision globale du monde où tout, ou presque, serait l’oeuvre de manipulations secrètes.

Sur Internet, les posts, les blogs ou les commentaires conspirationnistes sont nombreux. Il est parfois difficile de les identifier et il suffit de quelques clics malheureux pour que les algorithmes des réseaux sociaux ou des moteurs de recherche vous enferment dans les bulles de filtre.

Comment repérer une réthorique complotiste ?
Trois types de procédés doivent vous alerter sur la véracité du contenu que vous êtes en train de consulter.

Les couleurs sont sombres et inquiétantes, les images choquantes ou fascinantes, la musique dramatique... Tout est bon pour susciter un sentiment d’anxiété. Certains éléments techniques ne permettent pas non plus une vérification fiable comme par exemple la traduction d’un témoin s’exprimant dans une langue étrangère peu courante.

L’auteur du récit détient la vérité, tout le reste n’est que mensonge propagé par un groupe secret agissant dans l’ombre. Il se fonde sur des faits réels, utilise un millefeuille argumentatif pour justifier son discours, avance des arguments invérifiables voire fallacieux et rejette toute opposition comme faisant aussi partie du complot.

L’auteur du récit propose souvent une raison simpliste pour expliquer un évènement complexe, sa vision est manichéenne et oppose les faibles et les forts, le "nous" et le "vous". Il utilise des phrases stéréotypées au champ lexical de la vérité ou de la sécurité et donne une importance démesurée à de petits détails.

Plusieurs ressources explorent plus en détail ces procédés, notamment la séquence clé en main du CLEMI [1], qui permet de décrypter la rhétorique complotiste. Dans ce cadre, Lionel Vighier, chargé de mission EMI à la DRANE, a élaboré une carte mentale des procédés et de la rhétorique conspirationniste.

Plusieurs ressources explorent plus en détail ces procédés, comme la séquence clé en main pour décrypter la rhétorique complotiste du CLEMI [2], à l’intérieur de laquelle Lionel Vighier, chargé de mission EMI à la DRANE, a élaboré une carte mentale des procédés et de la rhétorique conspirationniste.

L’observatoire du conspirationisme, Conspiracy Watch, propose aussi un panel de ressources pour appréhender les récits conspirationnistes : podcast, vidéos, dessins de presse, conseils de lecture, notices thématiques ou encore cartographie interactive du web complotiste français.

Vrai ou faux complot ?
Attention toutefois à ne pas confondre vrais complots et théorie du complot. L’agence de presse Première ligne, en partenariat avec France TV et le CLEMI propose un kit pédagogique pour aider les élèves à faire la différence.

Kit pédagogique vrai ou faux complots de Première Ligne

La rumeur

Une rumeur est une nouvelle, un bruit qui se répand dans le public, dont l’origine est inconnue ou incertaine et dont on peut douter de sa véracité. Elle peut être à l’origine une erreur journalistique, un stéréotype ou préjugé, un canular, une légende...

Comment fonctionne une rumeur ?
La création d’une rumeur repose sur trois mécanismes.

Le message initial est simplifié. Sur un message comprenant 100 détails, seulement 70 sont conservés à la première retransmission, 54 à la deuxième, de telle sorte à transformer le message en slogan. Les personnes qui diffusent le message ne sont pas les témoins directs.

Les personnes s’approprient le message en fonction de leurs valeurs, croyances ou émotions. Ce phénomène de sélection est à l’origine de la déformation de la rumeur.

Les personnes retiennent préférentiellement certains détails ou même ajoutent des explications au récit afin d’en renforcer la cohérence ou l’impact.

Pourquoi limiter la propagation des rumeurs sur Internet ?
Avec l’avènement des réseaux sociaux, ces fausses informations se propagent à toute vitesse avec parfois de lourdes conséquences comme ce fut le cas pour le pizzagate.

Afin d’y sensibiliser le plus grand nombre, le CLEMI propose une exposition libre de droit en 11 panneaux : Histoire de fausses nouvelles. À diffuser en PDF ou à imprimer !

Exposition du CLEMI : Histoire de fausses nouvelles

Autodéfense intellectuelle

Tout ensemble, chacun à notre niveau, nous pouvons faire un peu de tri dans le désordre informationnel. Au quotidien, nous pouvons adopter les bons réflexes :

Face à une nouvelle, restons critique et demandons-nous :
  • Qui parle ? Qui est l’auteur du message ?
  • D’ou viennent ses infos ?
  • Quelles sont les preuves ?
  • Ce message est-il une opinion ou est-ce factuel ?

Les réponses à ces questions vont aiguiller notre degré de confiance en la véracité de l’information consultée.

Si le travail de vérification est celui des journalistes, rien de nous empêche de participer à notre niveau en nous informant sur des sites fiables comme ceux des médias de référence et en croisant nos sources. Le plus sûr est toujours de consulter directement la personne concernée par une nouvelle ou un témoin direct, avec la nuance qu’ils ne pourront s’exprimer que depuis leur point de vue. Enfin des sites de fact-checking recensent les fausses informations circulant dans l’espace public. À noter que si de nombreux médias de référence s’y essayent depuis les années 2000, la pratique est bien plus ancienne avec la Clinique des Rumeurs du Boston Hérald dès 1942.

Si une fausse information est repérée, nous pouvons soit en demander la suppression à son auteur, soit la signaler sur la plateforme où elle a été postée. L’OMS a recensé les différentes façons de faire sur chaque réseau social.
Signaler les fausses informations sur les réseaux sociaux - OMS

Le meilleur moyen de faire d’internet un endroit plus sûr en terme d’information est de partager massivement les bonnes informations pour noyer les fausses.

Développer son esprit critique

Selon l’Inspecteur Général en Histoire et Géographie Jérôme Grondeux, l’esprit critique est un ensemble d’attitude et de procédés que l’on prend dans notre manière d’aborder les choses. Ce n’est pas une compétence que nous pouvons acquérir mais plutôt que nous travaillons et développons tout au long de notre vie.

Gérald Bronner, professeur de sociologie à Sorbonne Université, précise que l’esprit critique est une façon de négocier intellectuellement avec le monde et qu’exercer son esprit critique, c’est apprendre d’abord à se méfier de ses intuitions.

L’esprit critique serait à la fois un état d’esprit et un ensemble de pratiques.

Infographie sur l’esprit critique

L’ESPRIT CRITIQUE
Il est à la fois un état d’esprit et un ensemble de pratiques qui se nourrissent mutuellement. En effet, l’esprit critique n’est jamais un acquis, il est une exigence, toujours à actualiser. Il naît et se renforce par des pratiques, dans un progrès continuel : on ne peut jamais prétendre le posséder parfaitement et en tous domaines, mais on doit toujours chercher à l’accroître.

S’INFORMER
• Prendre le temps de s’informer
• Comprendre avant de juger

CURIOSITÉ
• Avoir envie de connaître
• Développer son ouverture d’esprit

ÉVALUER L’INFORMATION
• En chercher la source
• Comprendre qu’une connaissance est construite et comment elle se construit

AUTONOMIE
• Chercher à penser par soi-même
• Se méfier des préjugés

DISTINGUER LES FAITS ET LES INTERPRÉTATIONS
• Différencier les faits de l’interprétation qui les relie et les explique

LUCIDITÉ
• Savoir ce que l’on sait avec certitude
• Ce que l’on suppose…
• … et ce que l’on ignore

CONFRONTER LES INTERPRÉTATIONS
• Prendre acte des débats entre les interprétations et de la nécessité du pluralisme en ne s’arrêtant pas à la première explication présentée

MODESTIE
• Avoir conscience de la complexité du réel
• Accepter de s’être trompé

ÉVALUER LES INTERPRÉTATIONS
Distinguer :
• Les interprétations validées par l’expérience
• Les hypothèses
• Les opinions liées à nos croyances

ÉCOUTE
• S’intéresser à ce que pensent et savent les autres
• Accepter le débat

Source : Éduscol – Octobre 2016

L’esprit critique est donc la compétence la plus importante du XXIème siècle, comme le rappelle l’OCDE [3]. Un bon moyen de muscler son cerveau et avec lui son esprit critique, c’est d’aiguiser sa curiosité. Et pour cela, internet regorge d’outils.

  • Citizen fact d’Arte
  • Et les autres alors ?
    De la même façon que l’on peut développer son esprit critique, on peut amener les autres à travailler le leur. Attention toutefois à l’approche choisie pour ce faire. Démontrer frontalement qu’un élève a tort peut-être contre productif : l’élève peut se sentir humilié car ébranlé dans ses convictions intimes ou familiales, et cette opposition risque de renforcer un peu plus ses croyances car perçue comme étant une énième manipulation.

    Les croyances n’étant pas bâties sur des faits, les faits ne peuvent pas les ruiner. Serge Moscovici, psychosociologue.

    Une approche basée sur le questionnement, l’investigation et le débat, peut amener les élèves à déconstruire eux-mêmes les théories complotistes.

    Le podcast Méta de choc d’Élisabeth Feytit nous amène à réfléchir sur notre propre façon de penser en nous donnant les bases d’une pratique de métacognition.


    [1Centre pour l’Education aux Médias et à l’Information

    [2Centre pour l’Education aux Médias et à l’Information

    [3Organisation de coopération et de développement économiques

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    Article rédigé par Maryse Broustail, Maëva Robison